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      Antonio Rizzo  
      (1440 - 1499)
 
      (Verona? avant 1440 - Cesena? Foligno?1499/1500) Sculpteur et architecte.Parmi les premières touches de Renaissance en 
      sculpture...
 
      14 septembre 1483. Le campanile sonne les douze coups de minuit. Un cierge agonisant 
      s'avachit sur les précieux tapis de la chapelle privée du doge, quelques 
      heures après la dernière messe. L'aile orientale du Palazzo Ducale et les 
      appartements du premier des vénitiens s'évanouissent en fumée.
 Le 21 mai 1484, Antonio Rizzo est nommé protomagister (architecte en chef) 
      avec la prestigieuse mission de prendre en main la reconstruction du 
      Palazzo mutilé. Il accomplira sa tâche jusqu'à ce mauvais jour de 1498 où 
      il s'enfuit précipitamment de Venise, accusé de détourner les ducats 
      réservés aux travaux.
 Si cela est vrai, il n'en profitera guère. Sa folle cavalcade l'a-t-elle 
      desséché, lui qui meurt quelques mois plus tard à Cesena d'après certains, 
      à Foligno d'après d'autres? (Il s'est bien gardé de laisser à la 
      Seigneurie une adresse poste restante!)
 
 Sa ville natale? L'année de sa naissance ? Sa jeunesse ? Brouillard épais 
      !
 
 Il faut attendre l'année 1457 pour certifier la présence de Rizzo à 
      Venise.
 L'atelier d'Antonio Bregno lui ouvre ses portes.
 En 1469, il termine ses premières commandes pour la Sérénissime:
 les autels de San Giacomo, San Paolo et San Clemente  dans la chiesa 
      de San Marco.
 | Œuvres sur le site | 
    
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      Il collabore ensuite aux sculptures du monument funéraire du 
      doge 
      Francesco Foscari aux Frari, oeuvre des frères Bregno
      (attribué selon certains à Niccolo di Giovanni Fiorentino). L'ouvrage 
      perché à droite du Grand Autel, comme suspendu dans les airs
      à l'instar de la Vierge du Titien dont l'Assomption illumine le chœur, 
      couvre les restes du malheureux doge.
      Sa destitution après un des plus longs règnes à la tête de Venise et 
      l'exécution injuste de son fils l'amenèrent au trépas à l'instant précis 
      où les cloches de San Marco saluaient son successeur. Deux écuyers ouvrent une lourde tenture sur quatre Vertus qui pleurent le 
      défunt étendu sur son lit d'éternité.
 Sous le sarcophage, les flammes dorées d'une petite épitaphe rappellent 
      qu'en 1720, Alvise Foscari, un lointain descendant, obtint de voir son 
      propre cœur placé dans le tombeau du doge destitué.
 
 De 1467 à 1471, Rizzo est tout occupé aux statues qui couronnent l'Arc 
      Foscari au Palazzo Ducal, œuvre initiée vers 1440 par les frères Bon.
 
      En 1476, c'est le fameux monument funéraire de 
      Vettore Cappello que la 
      ferveur et l'humilité agenouillent devant Sant'Elena dans le
      portail de l'église éponyme. L'ouvrage généralement attribué à Rizzo 
      pose problème : considéré trop jeune pour une œuvre si aboutie, on trouve 
      régulièrement la mention « auteur anonyme ». Sansovino lui-même, en 1581, l'attribue à Antonio Dentone (Antoine à la 
      grande dent) pourtant inconnu au bataillon ! Placé en façade, le monument 
      funéraire de l'amiral est l'un des premiers qui inaugurent une longue 
      série.
 
      Nouveauté également, le grandiose sépulcre de Niccolò Tron, que Rizzo 
      dresse entre 1476 et 1480 face à la tombe de Francesco Foscari, à la 
      gauche du grand autel des Frari : le doge n'est plus seulement représenté 
      mort, couché sur son sarcophage, mais également vivant en grande tenue 
      ducale, prêt aux affaires. Le tout sur cinq étages. L'ensemble visualisé légèrement de profil nous dévoile la démarche et 
      l'allure du doge dans ses moindres détails : la main droite qui écarte les 
      pans de sa toge ouvragée, la barbe aux épaisses et larges tresses ... que 
      le doge refusait de tailler, en signe de deuil, depuis la mort de son fils 
      Giovanni, scié vif entre deux planches lors de la prise de Negrepont par 
      les armées de Mehmet II le Conquérant.
 Petite réflexion. Dans la chapelle principale des Frari, on retrouve face 
      à face, mis à l'honneur, les cendres et le souvenir de deux doges:
 Francesco Foscari 34 années de règne, l'un des plus longs, riches en 
      événements et Niccolò Tron 20 mois de souveraineté aux reliefs insipides.
 Tron était riche, énormément riche...
 
 Puis vinrent les travaux au Palazzo Ducale après l'incendie de 1483.
 Le projet pour la reconstruction de la façade Est, tant côté Cortile que 
      rio di Palazzo, et des appartements du doge (travaux qui demanderont 9 
      années).
 
 Bien sûr, l'éblouissant 
      escalier monumental (1485) au sommet duquel le 
      nouveau doge jurera désormais fidélité aux lois de l'Etat et recevra la Zoia
 des mains du conseiller le plus agé: « Accipe coronam ducalem Ducatus 
      Venetiarum... ».
 Nommé Escalier des Géants (Scala dei Giganti) après que Sansovino l'ait 
      couronné des colossales statues de Mars et Neptune (1566).
 Enfin, pour la bonne bouche, en face de l'Escalier des Géants, nichés dans 
      l'Arc Foscari, Adam et Eve (9) (1476) aujourd'hui remplacé par deux 
      bronzes, les marbres originaux exposés dans la Palazzo Ducale. L'oeuvre la 
      plus émouvante de Rizzo, le sculpteur.
 Adam dont les traits ressemblent intensément au Sébastien de Mantegna (Ca' 
      d'Oro) vient de croquer le fruit défendu. La bouche ouverte, le regard 
      apeuré vers le Ciel qui vient lui demander des comptes. De l'autre côté, 
      séparée par l'arc du monument, sans un regard pour son compagnon, Eve se 
      tient là absente et résignée, les yeux mi-clos, la chevelure abondante 
      flattant ses reins, les épaules étroites, la poitrine ténue et ferme, les 
      hanches généreuses.
 Détail piquant: en face, Mars a le 
      regard braqué
      sur Adam. Le dieu de la 
      guerre a-t-il pressenti la chute originelle, lui qui sous le regard de 
      Neptune semble rassembler discrètement sa pelisse pour cacher sa nudité ?
 « ...et ils connurent qu'ils étaient nus... »
 
      Stef* |