il Campiello

[le Bedeau]

[Gérard]

Comme le parfum des tubéreuses .
Ce livre est merveilleux , car les auteurs français amoureux de Venise le sont à fond . Amoureux !
Et pour cause , ce sont des sentimentaux profonds .
J'aime l'opuscule de Henri de Régnier à la folie . A la folie .
Tout en ne détestant pas vraiment , en fin de compte , tout ce qui paraît désuet .
Et pourtant , ici , rien de lugubre , d'ombrageux , de sombre .
Mieux , cet écrivain , élégant comme seuls savent l'être les véritables aristocrates , nous raconte une Venise aimée avec , dans le filigane de sa voix magnifique , une Venise immortelle qui fait battre notre coeur , une Venise d'avenir .
Cet homme était un précurseur , en même temps qu'un poète raffiné !
Il habita au Dario , en fait des descriptions somptueuses - un toucher discret - dans ce livre qui raconte ses neufs séjours de 1899 à 1924 . Séjours vraiment vécus !
Titre originel complet de l'ouvrage paru en 1928 au Mercure de France : l'Altana ou la Vie Vénitienne .
La préface de Dominique Fernandez - un connaisseur de l'Italie , impressionnant aussi lui ! - indique :
Un des plus beaux livres écrits sur Venise , par un des grands écrivains qui ont fait la réputation du Mercure . Ecrit avant " Heures italiennes " de Henry James et avant " Mort à Venise " de Thomas Mann , " La Vie vénitienne " évite ce climat et les clichés pseudos romantiques de dévotion funèbre .

Car sinueuse et délicate ,
Comme l'oeuvre de ses fuseaux ,
Venise ressemble à l'agate
Avec ses veines de canaux .

Ecrivait donc le grand poète .
Un parfum frais de tubéreuse .
Envoûtant .

Bienvenue à vous Sylvie !

[Gérard]

Et maintenant Carnavaliers
De février ,
Faites donc comme Régnier !

Sans hésiter ,
Laissez donc
Votre masque à ses pieds !

" Oui , mais je choisirai une nuit tranquille , une de ces nuits limpides où le Grand Canal est comme un fleuve de verre . J'appellerai le gondolier somnolent et je monterai dans sa gondole qui ressemble au croissant d'un astre noir . Je m'y tiendrai solidement et attentif à l'équilibre , en regardant devant moi pour éviter le vertige de l'eau , les yeux fixés au fanal rouge et au fer luisant , les jambes bien écartées , en vrai Vénitien , et , au lieu du prix ordinaire , je laisserai par plaisir , au gondolier , une grande pièce d'argent , neuve et ronde comme cette pleine lune qui brille dans le ciel de Venise , au-dessus de la Salute . "
...
L'eau luit , le marbre s'ébrèche ;
Les rames se font écho ,
Quand on passe à l'ombre fraîche
Du Palais Rezzonico .
...
Esquisses vénitiennes . H. de R. .

Envie d'partir ?
Ou bien d'y revenir !

[Barocco]

j'espère chère Sylvie que nous allons vous retrouver à fréquenter les doux dingues que nous sommes!!!!avec d'aussi bons goûts vous ne pouvez manquer de tels rendez vous!!!!et comme vous pouvez le voir sous votre mot...il y a ici de talentueux manieurs de plume.....mais aussi de pinceaux....etc..etc..bref rien que des amoureux de Venise et de belles choses auxquels le Campiello offre le superbe écrin où ils se retrouvent... :wink: :wink:
Parlant de beaux livres...je viens justement de me plonger quelques heures dans sa découverte....il s'agit de
VIVE VENISE . de Jean RASPAIL ed .Solar...
oh rien de bien nouveau à découvrir ..mais une délicieuse promenade dans Venise où il a vécu plusieurs mois.. il ne décrit pas..il raconte...avec humour et curiosité,en voyageur, en écrivain...
quelques belles photos bien choisies....et voilà de quoi ..une fois de plus passer de bons moments avec Venise..chez soi!!!! :wink: :wink:
pour continuer sur ma lancée...(tout le monde ici sait que je suis bavarde..alors.... pourquoi m'en priver.... :wink: :wink: )
j'ai reçu pour mon anniversaire un très beau livre aussi et devinez le sujet????
VENISE à travers les artistes et les écrivains....
par Annie Epelbaum-Moreau. ed Renaissance du Livre.
j'en dirai plus un peu plus tard...sachez qu'il s'agit aussi d'une promenadelittéraire autant que picturale dans Veniselà ou poètes, musiciens, écrivains,militaires, politiciens,peintres de tous pays se sont croisés entrecroisés selon les années, se répondant à travers les siècles...
les personnages vont de Marco Polo à Jean d'Ormesson en passant par Montaigne, Titien, Casanova, Vivaldi, Canaletto, Goethe, Bonaparte, Byron, Chateaubriand, Stendhal, Turner, Sand et Musset, Wagner, Monet, Diaghilev, Dali, Proust, Cocteau, Peggy Guggenheim...et bien d'autres encore...
bref...un livre qu'il faut avoir pour apprécier davantage encore tout ce que la sérénissime a éclairé de sa splendeur... :wink: :wink: :wink:

[Danielle]

C'est un bel ouvrage en effet, Barocco.Je l'avais acheté l'an dernier..là où tu sais.......beaucoup d'anecdotes et de références...........

Puisque j'ai terminé La Fraga ( encore elle) ..je vais continuer de lire "Le roman de Venise"...qui est un voyage à travers les plus beaux textes de la littérature .

" L'air de Venise est sain, les femmes y vieillissent moins vite que dans les autres climats chauds de l'Italie, et les hommes y conservent de la fraîcheur et de la force jusqu'à un âge très avancé "
'M.PERROT
Voilà qui va ravir tout le monde!!!!!!! :wink:

[Barocco]

mais bon sang.....qu'est ce qu'on attend pour aller vivre là-bas!!!!!!!!!!!!!!!
(bien sûr je ne parlais pas pour nous les femmes...pas besoin.....mais pour les hommes bien entendu!!!!!!!!!!!!! )

[Danielle]

:D :D :D :D :D :D :D D :D :D :D :D :D :D D :D :D :D :D :D :D D :D :D :D :D :D :D D :D :D :D :D :D :D


Surtout ne jamais les laisser partir seuls.......... :wink: :wink:

[Gérard]

Venez vite , Sylvie , ..... on vous attend !
Mes amis ne soyez pas trop tristes
Si j'ai trouvé le pays où l'on aime
La douceur de vivre , l'amour et la poésie
........
Te adoro , te adoro
Te adoro di giorno , te adoro di notte ...
Et même en solo ,
Le Gérardo
Et même en solo
Furioso
Toujours en Riva-Piaggio
Solitairo
Sur la Canalazzo
Peinardo ,
Follement amoroso .
L'orléano-parisiano-aubussono-barocco-directionleLido-lesacrécoco .

[Lili]

Yesssss..... Je viens de voir sur le site de ma bibliothèque préférée "le Roman de Venise" est disponible.. Je l'avais emprunté une fois avec d'autres livres, mais pressée par le temps je l'avais rendu sans l'avoir lu :? j'espère pouvoir y remèdier demain

[Danielle]

Que ce soit dans l'Altana, déjà amplement et heureusement citée..ou dans "Le voyage d'amour ou l'initiation vénitienne", Henri de Régnier a certes écrit de bien belles pages.

Et il est d 'autres poètes à la plume d 'orfèvre........ :D

" Je flotte dans le rêve de l'or. Je suis pris aux rets de l'or, je pose sur l'or et je nage dans l'or. J'ai de l'or sous les pieds. J'ai de l'or sur la tête. Un air d'or me touche et me flatte. Et l'encens est une vapeur d'or. Les profondes et lointaines fenêtres filtrent de l'or, à travers un vitrail de corne jaune; et l'or s'insinue, comme une onde subtile, entre les nerfs, baignant chaque pilier. Et qui ne serait ému de marcher sur les dalles rousses, courbes et gonflées, tortues, comme si elles épousaient la vague souterraine qui les porte? Les pilotis de Saint Marc doivent être d'or, forêt de lingots plantés dans la lagune. Un quadruple coeur d 'or, quatre puits de rêve sous quatre coupoles."

[Gérard]

Peut mieux fer !
A repasser .
J'me sens léger , en ce moment .
Comme une plume .
L'or dure .
Réponse : F'or Knox .

[Danielle]

[Gérard]

Rien à fer !
Désolé !
Le métal précieux , discriminatoire et ostentatoire , rend les gens complètement fous .
Au sens premier .
On connaît la suite .
J'trouve pas ces lignes géniales .
Chère Sylvie donc , vous m'avez , gentillement , comme ça , au débouché du narguilé , réveillé !
Je n'peux donc m'empêcher d'extraire de cet oublié opuscule qu'est le " Venises " du corps diplomatique l'extrait principal consacré à " une certaine présence française " place St Marc .
Paul Morand .
1914 .
" A Venise , la petite société française de ma jeunesse était devenue un cénacle littéraire . Voici le salon Muhlfed , disait-on , sur la place St Marc , en apercevant Henri de Régnier . De lui je possède bien des livres dédicacés à mon père , je raffolais de la " Cité des eaux " , je goûtais ses " Esquisses vénitiennes " , sans me douter que quelques années plus tard Henri de Régnier apporterait au Mercure ma première nouvelle . Il logeait au palais Dario , chez une de nos compatriotes ; derrière son fier profil apparaissaient Edmond Jaloux , Vaudoyer , Charles du Bos , Abel Bonnard , Emile Henriot , les frères Julien et Fernand Ochsé ..... Je leur trouvais un air de famille ; on les imaginait dansant une farandole sur quelque rialto bossu , en bois goudronné , comme dans le Miracle de la Vraie Croix , un pont reliant Paris à Venise , les conduisant de la Fenice au nouveau Théâtre des Champs-Elysées . Je les nommais , à part moi , les longues moustaches ; moustaches où l'on eût pu épiler à la loupe de quelques touffes de Vercingétorix , quelques poils de Barbey d'Aurevilly , deux ou trois des garçons de Flaubert , et un , le dernier , arraché au lion de St Marc . Venise était La Mecque de ces délicats . Henri de Régnier y apportait sa silhouette de peuplier défeuillé par l'automne ; homme exquis , où l'humour surveillait l'amour , ses courbes se contrariant en un ressac de contr-courbes , comme dans les bois dorés ou les stucs d'un rococo vénitien .
Tous se ralliait au fameux cri de guerre de leur maître Henri de Régnier : " Vivre avilit " , poursuivant un rêve walpolesque , byronien , beckfordien ; princes de Ligne désabusés , d'une douceur sévère , avec des mots à la Rivarol , vite ennuyés , vite agacés ( un peu comme moi n.d.l.r.) , chevaleresques , irrités par tout ce que la vie leur refusait ; ils se retrouvaient au Florian devant une peinture sous verre , " sous le Chinois " , comme ils disaient ..... Leur Venise , ils la savaient sur le bout du doigt . Les Anglais n'ont peut-être jamais aimé Florence , ni les Allemands Rome , comme ces Français-là aimèrent Venise ; si Proust la rêva , eux la vécurent . Hommes très charmants , sans grande confiance en eux-mêmes , dandys amers et doux , vite amusés ou désespérés , moquant les invertis , comme ce héros de Thomas Mann , ce Herr von Ascenbach troublé devant l'épaule nue qu'un jeune baigneur du Lido ose laisser voir hors du peignoir de bain ! Leur monocle , déjà littéraire , ils vont le léguer à Tzara , à Radiguet . Le thé , c'était leur drogue d'hiver . Les droits d'auteur les eussent dégoûtés , s'ils en avaient eu .
Tous étaient pauvres , ou presque .
Semblables au campanile cher à Henri de Régnier , ces grands amoureux de Venise se sont laissés tomber , à la fin de leur vie , sans bruit , en " galants hommes " .
Paul Morand pages 68 à 72
Je retourne à mon narguilé , il me faut oublier !
Mais pas eux .
Quel dommage que Paul Morand choisit le sens inverse de Charles de Gaulle quand ils se croisèrent à Londres , l'un détestant le thé anglais - le connétable de France - et l'autre - l'ambassadeur - l'eau de Vichy !
Quel gâchis !
Afin de leur pardonner , tout en reconnaissant leur formidable talent , le connétable , rengorgeant sa colère , jamais ne cessa de désigner ces lumineux Académiciens par la formule : " Maître " .
Demain , lundi , j'y songerai donc en passant pour la nième fois sur les vieux pavés de la rue Mazarine et sur ceux de l'Institut .
Sacré Corsaire Sanglot , va!

[Gérard]

Pour Apelle ou pour Cléomène
Elle semblait , marbre de chair ,
En Vénus Anadyomène
Poser nue au bord de la mer .

De grosses perles de Venise
Roulaient au lieu de gouttes d'eau .
Grains laiteux qu'un rayon irise
Sur le frais satin de sa peau .

Oh ! quelles ravissantes choses ,
Dans sa divine nudité .
Avec les strophes de ses poses ,
Chantait cet hymne de beauté

Qu'ça va m'fer du bien , demain ,
Cet air du vieux pavé , ce voile de narguilé
Aéré , désuet ,
Léger sur la passerelle ajourée; et en glissé
Sur la Seine , sur son pus , sur ses déchets ,
Sous l'aile de Colombine , direct aux Capétiens .
Qu'ça va m'fer du bien , demain , c'te frappe aux vieux pavés .
J'vais respirer .
Et retrouver
La touche de Girodet , odeurs , sensualité ,
Les yeux de Pygmalion , les seins de Galatée .

Paresseuse odalisque , arrière !
Voici le tableau dans son jour ,
Le diamant dans sa lumière ;
Voici la beauté dans l'amour !

Sa tête penche et se renverse
Haletante , dressant les seins ,
Aux bras du rêve qui la berce
Elle tombe sur ses coussins .

Ses paupières battent des ailes
Sur leurs globes d'argent bruni ,
Et l'on voit monter ses prunelles
Dans la nacre de l'infini .

La Géorgienne indolente
Avec son souple narguilé ,
Etalait sa hanche opulente
Un pied sur l'autre replié .

Je crois que tous les livres ramènent à Marcel Proust ! Il y a tout , chez lui , et tous les sens sont rassasiés . J'ai d'ailleurs passé une dizaine d'années avec un de ses livres à portée de main , et une bonne partie de ma bibliothèque lui est consacrée . On traque toujours tout ce qui touche à lui . On lit aussi beaucoup de poésie , mais on préfère les poètes secondaires . Charles d'Orléans et Henri de Régnier séduisent autant que Rimbaud , Verlaine ou Baudelaire . La poèsie du XX°siècle ? Michaux ou René Char ne nous tomberaient-ils pas des mains ? J'aime mieux me replonger dans la lecture des chansons de Pierre Jean de Béranger . Au XIX° siècle , c'était une star , admirée par Victor Hugo , Goethe ou Lamartine . Un autodidacte . La richesse de son écriture n'a rien à voir avec la chanson d'aujourd'hui . Les textes ne disent rien , on remplit des cases avec des mots , comme s'ils étaient innocents . C'est cela , oui ; on remplit des cases . Le niveau du roman français contemporain , c'est pareil .
Vous avez dit désuet , cher cousin ; comme c'est désuet !