il Campiello

[Zen]

:wink:

[Stef*]

Voici ce que j'ai pu glaner sur le personnage.
Un fameux bonhomme.... :wink:

Joseph Smith 1674 – 1770.

Il avait juste vingt cinq ans quand il débarqua à Venise.
Il y vécut septante hivers.
Banquier de profession il s' est rapidement tourné vers les arts,
en partie grâce à ses employeurs, les frères Williams.
Son premier deal , une excellente copie de Judith et Holopherne du « Guide ».

Il épouse en 1711 la superbe Catherine Tofts, première Prima Donna de Londres,
venue à Venise après ses problèmes de voix, à un age où sa beauté était en pleine floraison.
Smith est un amateur d'art éclairé. Mécène et habile négociant.
Rosalba Carriera, Sebastiano Ricci et bien sûr il Canaletto.
Venise, ses canaux, ses fêtes somptueuses, San Marco inondent la blanche Albion.
Son entrepôt du Rio dei Saloni reçoit des hôtes prestigieux. Il est riche.

Il rachète le palazzo de Elena Balbi. A Mogliano Veneto, il s'offre la villa de Girolamo Canal.
Il devient l'imprésario de Carlo Broschi dit Farinelli convoité par le Théâtre Royal de Haymarket de Londres
où son épouse s'était illustrée quelques années auparavant.
Il envoie Canaletto par-delà la Manche.
Tout lui réussit même s'il vient régulièrement se penché sur un marbre de l'église des Santi Apostoli,
pleurer John son unique fils mort à six ans.

En 1744, l'Angleterre en fait son Consul auprès de la Sérénissime.
En proie à quelques revers financiers, il revend en 1750 la majeur partie de ses collections
au tout jeune roi d'Angleterre, Georges III.

Il s'associe alors à Giovanni Battista Pasquali et se lance dans l'édition.
Campo San Bartolomeo, ils inaugurent La Felicità delle Lettere, leur librairie.
Diderot, Voltaire, Machiavel, Baffo assurent leur succès.

Il a quatre vingt ans quand il perd son épouse.
Mais l'homme est encore vert: il épouse Elisabetta, la toute jeune soeur de Lord Murray, son successeur au poste de Consul.

Petite parenthèse avec Murray...
Voici Casanova parler des mérites de ce dernier: « M. Murray, ministre résident d'Angleterre, bel homme, plein d'esprit,
savant et grand amateur du beau sexe, de Bacchus et de la bonne chère, entretenait la célèbre Ancilla...
Ce brave homme devint bientôt mon ami, à peu près dans le même goût que M de Bernis,
la seule différence que le français aimait à être spectateur et que l'anglais au contraire aimait à donner le spectacle.
Je n'étais jamais de trop dans ses débats amoureux, où il était brave... » :wink:

Si Murray est repris dans les mémoires de Casanova, Smith l'est également.
Goldoni ne sera pas en reste, lui qui en fait sont principal protagoniste dans la pièce Le philosophe anglais et l'évoque sous ces termes:
« Celui qui entre dans votre maison y trouve l'union la plus parfaite de toutes les sciences et des arts, et vous êtes assis au milieu d'eux
non pas comme un amant qui les contemple, mais comme un connaisseur concentré à les expliquer.
Votre goût raffiné et votre culture parfaite vous ont amené à choisir les choses les meilleures .»
Beau compliment, n'est-il pas? :wink:

Il s'éteint de fièvre sénile le mardi 6 novembre 1770 et est enterré au cimetière acattolico au Lido.
L'inventaire de ses biens révèlera encore plus de deux cent tableaux (des Longhi, Véronèse, Tintoret, Carriera, Breughel, Rubens...excusez du peu...)
de nombreux livres publiés par ses soins ainsi qu'un manuscrit autographe de Jean-Sébastien Bach.

Voilà...Merci à Blandine qui nous a permis de faire plus ample connaissance avec ce contemporain de Casanova... :wink:

[monteverdi]

Merci à vous tous :)

[Catherine C.]

Merci pour tout ce que je viens d'apprendre grâce à vos connaissances à tous

[Jas]

Je me demande pourquoi j’achète encore des bouquins sur Venise … tout est ici … gratos

[Véra da POZZO]

Bravo et merci à tous et spécialement à Stef* pour les compléments biographiques.
On a jamais réellement élucidé l'origine et l'importance de la fortune de Smith. Il faisait de l'import export entre l'Orient, Venise et l'Angleterre, mais aussi (et surtout) le négoce d'importation de viandes et poissons.
Son grand regret, malgré toutes ses intrigues, il ne fut jamais nommé Résident britannique (ambassadeur). Il devait être perçu comme un intrigant parvenu.

Dans le très bon roman historique (mais histoire vraie) "Les amants de Venise" d'Andrea de Robilant, Joseph Smith y est très bien décrit. (p18 à 21 entre autre)
C'est chez lui qu'Andrea Memmo (le héros) est allé parfaire son éducation, dans la bibliothèque et devint son assistant et c'est au palazzo Smith qu'Andrea rencontra Giustiniana Wynne.

http://forum-venise.hostonet.org/viewtopic.php?t=4334

http://www.abebooks.fr/servlet/SearchResults?an=vivian+frances&bi=0&bx=off&ds=50&sortby=3&sts=t&tn=smith&x=106&y=12

T.O. avec toi Blandine, tu exprimes parfaitement ce que je pense aussi, approfondir et chercher plus loin que ce que l'on a vu et ressenti ne fait que prolonger la vibration....

[Blandine]

:wink: :wink:

Stef*, quel plaisir de te lire!

J. Smith, n'avait pas que des amis ... Beaucoup de ses contemporains anglais le jugeaient pompeux, snob et égoïste.

Horace Walpole, particulièrement ne l'aimait guère: il fit méchamment courir le bruit que Smith ne connaissait de ses livres, que la page de titre.

Il ne l'appelait d'ailleurs que "le marchant de Venise" ... :D

[Barocco]

[livia]

BRAVISSIMO!! Quelle mine de renseignements! Je ne
connaissais pas du tout ce personnage ...
J'en aurai toujours à apprendre sur Venise!
J'ai lu quelque part que le Buziol avait acheté le petit immeuble
entre la Salute et le palazzo Genovese, l'abbazia San Gregorio.
Voici ce que j'avais noté:
"L'abbazia appartient aujourd'hui à la famille Buziol. Claudio Buziol
l'avait acheté peu de temps avant sa mort pour en faire un espace
d'exposition." J'avais aussi noté qu'il contenait le laboratorio
di restauro della soprintendenza. Quelqu'un en sait-il plus?

[Stef*]

Comme toi, Livia, j'ai lu que l'église qui perd son titre d'abbaziale en 1775
et est supprimée en...1806 - qui l'eut crû!?! - devient un bureau de la Zecca dans un premier temps
et après sa restauration en 1962, laboratoire de restauration pour les Beni Artistici e Storici di Venezia.

Pour la petite histoire, c'est ici que furent conservées jusqu'en 1596 les poussières tannées du pauvre Bragadin,
depuis le retour de ces dernières en 1575...

[Véra da POZZO]

Il y a quelques années, j'ai eu la bonne fortune de trouver chez un vendeur de livres d'occasion parisien un beau livre, publié hors commerce et tiré à 700 exemplaires, édité et écrit par Carlo Monzino, propriétaire alors de San Gregorio. Ce livre, datant de 1992, à la mémoire de sa mère Matilde, qui avait grandement contribué à la restauration d'un des monument les plus vénérables du Grand Canal, est très complet tant pour l'histoire de l'abbaye que pour sa représentation au fil des temps (plus de 40 pages d'illustrations).

Sans remonter au Xe s avec l'installation de moines bénédictins dans la paroisse préexistante de San Gregorio, on y apprend entre autre qu'en 1450, l'abbaye tomba en commende et servit à divers usage ou asile temporaire à diverses congrégations. A partir de 1749 tous les lundis soir, se réunissaient 190 nobles au sein d'une académie musicale. Le dernier abbé commendataire (le cardinal Antonio Maria Priuli) mort en 1772 , le cardinal Giovanni Battista Rezzonico, neveu du pape Clément XIII, renonça à ses droits et l'abbaye devint paroisse. Toutes les nombreuses possessions de l'abbaye à Venise et sur la Terre Ferme furent vendues.
L'église sécularisée en 1806, devint propriété de l'Etat et fut d'abord utilisée comme fonderie d'or pour la Zecca (une cheminée fut construite) puis devint un hangar jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale, avant de devenir un laboratoire de restauration des peintures en octobre 1968.

Les bâtiments abbatiaux connurent aussi bien des vicissitudes...
Dans les années 1830, le grand cloître devint un établissement balnéaire "La Salute, All'Antica Abbazia di San Gregorio". Dans les années 1870, Pietro Genovese devint propriétaire de tout le complexe et fit détruire le grand cloître pour faire place à un bien trop grand palais néo-gothique. Ce qui restait de l'abbaye fut inscrit sur la liste des Monuments Nationaux en 1892....
Et encore, on avait échappé au pire, un projet de 1861, largement approuvé prévoyait la destruction totale de l'abbaye, pour laisser la place au débouché d'un pont. Un autre prévoyait la construction d'un gare pour rallier le Lido... Pour une fois, merci à la bureaucratie et à la difficulté de trouver un financement.
Nicolo Spada, propriétaire de la chaîne d'hôtels CIGA (Bauer-Grunwald et Exelsior) acheta l'abbaye en 1905. Le projet de restauration radicale fut rejeté par la Soprintendenza. Le bâtiment loué à un antiquaire, fut vendu en 1916 à Anne-Marie Dubernet Douine.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cyprienne_Dubernet
A noter que le kaiser Guillaume II avait aussi eu des vues sur l'abbaye avant la guerre.
En 1934, Barbara Hutton et son premier (d'une longue liste) mari, le "prince" Alexis Mdivani s'en rendirent acquéreur....La "pauvre petite fille riche" voulait recréer une humble atmosphère franciscaine.....
L'abbaye fut vendue de nouveau en 1942 à la comtesse Margherita Galloti Spiridion in Tedeschi. Spéculatrice, elle organisa de fausses ventes pour tenter de faire jouer le droit de préemption de l'état, mais elle échoua, même s'il y eu des projets d'y installer le musée diocésain (aujourd'hui à San Apollonia) , un espace d'exposition ou le barreau de Venise.
En 1954, Matilde Monzino, citée ci dessus, devint la nouvelle propriétaire.

[J@M]

Quand on lit tout cela on peut se féliciter qu'il y ait encore traces d'anciens batiments à Venise (et dans le monde)... C'aurait pu être pire ! Merci Vera. Et Stef* pour au dessus.

[Blandine]

Merci à Véra de nous faire partager ce livre introuvable ... sauf par lui !!! Et de nous faire connaître cet historique

Impossible de trouver un portrait de Joseph Smith ... Je sais par ailleurs qu'il existe un très beau portrait de Catherine Tofts, sa première épouse, peint par Marco Ricci ... introuvable pour l'instant également.

Comme Barocco, ceci, à défaut de mieux:

[Blandine]

Dans les "amants de Venise", nous faisons plus ample connaissance avec Smith pour qui Andrea travailla et qui courtisa Giustiniana avec empressement …
J’avais envie de poster ici quelques lieux qui les ont vu vivre et d’abord la Cà Memmo, devenue par le mariage de Paolina, la seconde fille d’Andrea, avec Luigi Martinengo, le palazzo Martinengo, à San Marcuola ( Cannaregio, 1746) …
En fouillant dans mes photos, je n’ai pu en trouver de vraiment satisfaisantes, alors, j’attends avec impatience que quelqu’un puisse en joindre une, merci d’avance !

Quand la famille Wynne vint s’installer à Venise, elle loua une maison à San Aponal et les filles Wynne devinrent vite : le Inglesine di sant’Aponal

La mère veillant avec une attention jamais démentie sur la vertu de ses fille, il arrivait qu’Andrea s’invite chez ses amis Tiepolo pour guetter de chez eux l’apparition de Giustiniana à son balcon, de l’autre côté du rio. Parfois il lui arrivait aussi de s’installer sur le campiello avec une longue vue … ce que Madame mère souffrait avec fort peu de patience !



http://www.campiello-venise.com/plan_interactif/b3_rio_dei_meloni.htm

Je ne manquerais pas de retourner sur ces lieux ... dans peu de jours, maintenant pour retrouver un peu de la présence d'Andrea et de Giustiniana.

[Stef*]

Très vite en passant... :wink:
Rosalba Carriera a croqué l'homme... à sa demande!
Il n'était pas très beau, paraît-il...

Mais je ne suis pas parvenu à en retrouver la trace sur le net.........

Merci Vera :wink: