Blandine

Inscrit le : 24 Fév 2008 Messages: 5931 Localisation : Rennes
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Posté le : Mar 01 Nov 2016, 23:20:37 Sujet du message: Chronique vénitienne |
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Dans « Venise la rouge », rien ne bouge, du moins en apparence. La cité, à la fin du XVIe siècle, a perdu de son importance. Elle se contemple dans ses fastes immuables. L'ambassadeur de France est désœuvré. Il passe une partie de son temps avec un moine aussi ardent que savant, Paolo Sarpi. Il a lié amitié avec le doge, Alvise Mocenigo, et sa fille adoptive, Emilia. Autour d'elle, de jeunes patriciens veulent tirer de sa torpeur la Sérénissime. Leur agitation reste étrangère à Emilia, qui est d'abord amoureuse de l'un d'eux, Leonardo Dona. Les deux jeunes gens préféreront cependant rester à distance l'un de l'autre. Un petit tableau du palais de Mocenigo les a convaincus que la sérénité de cette amitié amoureuse était ce qui leur convenait le mieux. La distance alliée à la proximité est aussi au centre de la piété de Samuel, l'ami juif de Sarpi et d'Emilia. Ni la peste, ni la persécution ne parviendront à l'ébranler. Il vit sa réclusion dans un couvent de dominicains comme une divine aubaine. L'amour, la politique et la religion se croisent et se recroisent dans ce roman qui est aussi un hommage à la beauté intérieure de Venise.
Je viens d'achever cet ouvrage déjà un peu ancien, paru en 2009.
Ce petit livre intimiste et méditatif se lit lentement.
J'ai d'abord été un peu déconcertée par le style assez plat et le manque de cohérence de l'ensemble, puisque plusieurs personnages se croisent dans le récit qui passe de l'un à l'autre, parfois abruptement.
Puis on intègre peu à peu cette petite musique un peu mélancolique mais attachante qui coure sur une dizaine d'années allant des suites de Lépante à la fin de la grande peste. L'incertitude de l'avenir, en ces temps de recul de Venise en Méditerranée, répond aux interrogations religieuses et à la place de la Cité face à Rome et à la contre réforme. A travers les regards croisés de l'ambassadeur du roi de France, du doge Mocenigo et de sa fille adoptive, de Leonardo Donà, futur doge lui même et fervent défenseur de l'indépendance de Venise, du jeune Fra Paolo Sarpi et de son ami juif Samuel, on découvre une histoire méditative de Venise en cette fin du XVIe siècle. Une belle réflexion intérieure sur la politique, la théologie, les avancées de la science, la place de Venise dans un monde qui change, loin du tapage de bien des romans soit disant historiques, par Daniel Ménager, agrégé de lettres classiques et spécialiste de la Renaissance du XVIe.
Vraiment, à conseiller ! |
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