Blandine
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Posté le : Lun 19 Déc 2016, 18:59:49 Sujet du message: Une lettre d'éloge. |
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Macha me signale un superbe blog littéraire : http://ironie.free.fr/
Voici que j'y découvre ce superbe hommage de Veronica Franco à Tintoret qui m'a donné l'envie de vous le livrer:
Nous ne savons pas exactement si ces portraits sont de la main de Tintoret ni s’ils correspondent au portrait présumé de Veronica Franco, célèbre courtisane de Venise, contemporaine du peintre, née en 1546 et morte en 1591. La lettre d’éloge de Veronica Franco à Tintoret suit de près la réalisation d’un portrait d’elle et semble avoir été écrite vers 1575, juste après le passage d’Henri III[1] dans la cité :
« Des gentilshommes très experts dans l’Antiquité, on dit qu’aujourd’hui, il y a des peintres et des sculpteurs qui n’ont rien à envier aux anciens, et même qui les dépassent dans leur art, tels Michel-Ange, Raphaël, Titien et d’autres encore, dont vous maintenant. Je ne dis pas cela pour vous flatter, parce que ceux qui affirment que votre art dépasse celui des anciens est un auditoire bien expérimenté et si vous faites semblant qu’il ne l’est pas, c’est parce que vous vous bouchez les oreilles aux louanges, et que vous ne vous occupez pas de savoir à quel point les gens vous estiment pour votre art […].
Vous êtes capable non pas seulement de reproduire la nature mais aussi de la dépasser quand elle est imitable, par exemple en modelant des silhouettes nues ou habillés en leur donnant des couleurs, des ombres, des profils, des muscles, des mouvements, des postures, des plis […] au point de réussir aussi à montrer les formes de l’âme […].
Je vous assure que lorsque j’ai vu mon portrait, œuvre produite par votre divine main, je me suis demandée longuement s’il s’agissait d’une peinture ou d’une pure magie apparue devant moi à travers une diabolique illusion, non pour que je tombe amoureuse de moi-même, comme Narcisse, parce que Dieu merci, je ne me juge pas si belle au point de brûler d’envie pour ma beauté, mais pour bien d’autres buts, que moi seule je connais. Je peux vous dire avec certitude que la féconde nature a constaté à quel point vous l’imitez et même la dépassez […] et elle n’osera jamais fournir à nos contemporains un si élevé esprit de jugement afin qu’ils puissent expliquer l’excellence de votre art […].
Et quant à moi, certaine de ne pas réussir dans une telle entreprise, je pose maintenant ma plume et je vous souhaite de la part de Notre Seigneur tout le bonheur. » |
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