Il y a une semaine, de passage  dans le Loir et Cher, je proposai à Salomé de retourner à Montoire en espérant recevoir les précieuses clés du Prieuré.
Nul besoin! A notre plus grande satisfaction, une bourse aux livres se tenait dans l’enclos protégeant  la petite chapelle au fantasque lion.
De nombreux étals transformaient le grand jardin en un inextricable labyrinthe. Au fond du pré, profitant d’une trouée dans l’alignement des arbres bordant le Loir, était amarrée une étroite barge transformée en librairie.

Le propriétaire occasionnel se tenait au garde à vous, raide au milieu de centaine de livres

Son comportement bien singulier nous intrigua immédiatement.

Sans raison, l’homme prenait subitement la pose d’un lanceur de fléchettes: le bras gauche tendu fermement vers l’avant, le droit replié derrière l’oreille. L’instant d’après, ayant choisi sa cible, il décochait la pique en un majestueux ralenti, le pied droit légèrement soulevé vers l’arrière, la main droite suivant le trajet de l’invisible projectile. Et il restait ainsi immobile pendant de longues secondes. Pour seulement reprendre le garde à vous après un bref hurlement.

Dix fois, vingt fois, il joua la même scène, toujours ponctuée d’un sec aboiement.

- Je vois que vous êtes étrangers. Vous ne connaissez donc pas Tirésias, le fou du Loir.

- Tirésias?

- Il n’est pas dangereux, savez-vous. Tout juste inquiétant. On prétend qu’il entrevoit le visage de la cible tel qu’il sera à l’instant précis de la mort. Ben tiens voilà notre fou qui vous interpelle!

 

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