il Campiello

[Blandine]

Lumière de la lagune. Hanns-Josef Ortheil.



A la fin de l’année dernière, Macha m’avait conseillé ce livre que je viens de finir et qui m’a saisie et enchantée.

Je mets le lien de Livia, déjà un peu ancien, vers la bibliothèque.
https://www.campiello-venise.com/livres/romans_f.htm#Lumi%C3%A8re de la lagune

Puisque le rallye se profile et que certains viendront plus souvent peut être sur le Forum, je saisis l’occasion d’en parler de nouveau car c’est un très beau moment de lecture que tous les D.D. devraient aimer.

Il est bien difficile de dire quelques mots sur cet étonnant roman.
Je pense à l’auteur qui a du passer de très longues heures devant les tableaux de Turner, jusqu’à y pénétrer entièrement pour se fondre dans leur couleur et leur lumière. Et qui, revenu chez lui, a du se poser la question : comment l’art, la peinture sont-ils passés de Canaletto à Turner ?





Et c’est ainsi, j’imagine, qu’il a crée le personnage d’Andréa. Ce jeune homme à la beauté parfaite et parfaitement pur, qui sauvé de la mort, pose un regard aigu et sensible sur l’eau, le ciel, la lumière et Venise. Pour retrouver son passé, remonter à la source de ses souvenirs enfuis, il dessine puis il peint comme jamais personne ne l’a fait.

Puis il fallait bâtir l’intrigue et la narration. Elles sont, l’une comme l’autre, toute en sensations. Les images procèdent de ces sensations et font surgir l’acte créateur. Tout cela est d’une beauté, d’une finesse de sensibilité si intime qu’il est peu aisé d’en faire vraiment partager l’intensité. Chacun vivra ce beau livre sans doute selon sa propre nature.

Tout y est sens et tout devient images. Le goût voluptueux des pâtisseries vénitiennes sous le palais du vieux Giovanni Nardi, celui somptueux du repas de noces, l’odeur d’un mouchoir de femmes, celles du marché du Rialto, celle des algues qui s’accrochent aux marches du palazzo di Barbaro, la lumière insondable de la lagune, les couleurs changeantes de l’eau, et celles violettes des îles, le touché sur la peau de soie de Caterina, les corps qui se fondent l’un dans l’autre, le chant d’un oiseau captif, le bruissements des voix dans la ville. Jusqu’à ce que le dépouillement de tout ne devienne plus que lumière pure et, enfin, plus qu’une lueur dans la nuit d’un souvenir d’effroi qui restera longtemps incompris …
Jusqu’à la fin, également superbe, où l’on retrouve Turner qui arrive à Venise …

Je vous invite vraiment à partager ce très beau moment.



(On le trouve d'occasion à partir de 2.32€)

[babeth]

Alors tu m'invites à croire qu'en matière d'hyperesthésie un auteur a fait mieux que Patrick Suskind avec Le Parfum ?

[Blandine]

Ah, c'est très différent.

L'intrigue olfactive du parfum est certainement plus ... haletante.

Ici il y a plus de douceur et il ne s'agit pas d'un meurtrier. Mais c'est le plaisir subtil de baigner, par les cinq sens, dans l'univers de Venise et de sa lagune à la fin du XVIIIe siècle.

Je crois que rien ne peut être comparé au parfum !!! Quel livre, quel livre ... Et quelle fin apocalyptique.

Mais, en effet, je n'avais pas pensé au Parfum en lisant cette Lumière de la lagune. Il y a des rapprochements, c'est sur, ne serait-ce que ce jeune homme mystérieux et pur, suprêmement doué, qui ressent la nature comme aucun autre. Et qui parvient, comme aucun autre, à transcrire ce qu'il ressent sur le papier.

[babeth]

jeune homme mystérieux et pur ? un Adam d' avant la chute ? auprès de mon arbre, je vivais heureux ....exaltation de la sensualité d'un vitalisme païen ?
Bon point, ça éloignera un temps le lecteur de la marchandisation forcée dont Venise est la proie .....

[Blandine]

Quelque chose de cet ordre ! Mais je ne peux pas tout dire, au risque de raconter tout le roman et Ortheil le ferait beaucoup mieux ... D'ailleurs, il l'a fait, il suffit de le lire

[Veronique Franco]

Merci Blandine de faire "remonter à la surface" ce roman qui semble t'avoir vraiment séduit!