"- La peste, la peste noire, la peste bubonique!
Toi, Campielliste, tu ne peux avoir la moindre idée de ce que fut ce fléau des fléaux!
Regarde cette île-ci couchée à moins de trois kilomètres seulement de Venise.
Déserte aujourd'hui, le nombre de ses occupants est monté jusqu’à dix mille, en 1756!
Sans oublier les innombrables navires.
Comme Sansovino le raconte, vu de Venise, le Lazzaretto Nuovo ressemblait en ces temps à ‘une cité maritime assiégée par une armée nautique".

Le premier document écrit qui révèle son existence remonte à 1015.
Il y est fait mention d’un îlot dénommé Vinea Muradlia.
En 1107, Vigna Murata devient la propriété des moines de San Giorgio Maggiore qui y élèvent une petite église dédiée à San Bartolomeo et y exploitent les ressources agricoles.
Un décret du Sénat, daté du 14 juillet 1468, demande d’utiliser l’île comme d’un second Lazzaretto, ce dernier devenant trop exigu. Le Lazzaretto Nuovo, nommé ainsi pour le différencier du Lazzaretto Vecchio, est né.
Le but de ce second lazaret est d’isoler équipages et marchandises des nombreux navires venus de l’étranger suspectés de véhiculer la terrible peste noire. On peut y accueillir trois mille personnes.

Au cours du XVIIIème siècle, l’enlisement progressif de la bouche du Lido sonne le glas pour l’île qui est définitivement abandonnée en 1792 au profit de Poveglia, le Lazzaretto Nuovissimo.

Durant l’occupation française et puis autrichienne, l’île renforcée d’une enceinte de pierre est associée à la tête de pont de Sant’Erasmo et à l’artillerie de la tour Maximilienne pour le contrôle et la défense de la porte du Lido. Les quelques bâtiment subsistant seront aménagés pour servir d’entrepôts d’armes et de munitions.

Le Lazzaretto Nuovo servira encore durant les deux dernières guerres mondiales de terrain d’entrainement militaire.

Mais, Campielliste, ce qui nous intrigue le plus, le Chevalier et moi, c'est la chose suivante. Au début de sa nouvelle affectation, fin du XVème, il est demandé aux Provéditeurs au Sel d'y construire un nouvel hôpital et de verser chaque année aux moines de San Giorgio Maggiore un loyer de cinquante ducats.
Cette somme sera scrupuleusement versée à échéance jusqu’à la chute de la République en 1797.
Pourquoi encore dédommager ces moines cinq longues années après l'abandon de l'île au profit de Poveglia?
Acheter leur silence?
Que pouvaient donc bien receler ces murs désertés pour une telle largesse?
Garde cela en mémoire pour la suite de ta quête!